N’avons-nous rien appris ? Les leçons du Vietnam face au Sras
Par Alternatives Economiques
13 avril 2020
Ce témoignage de Pascale Brudon est paru initialement sur le site d’Alternatives économiques.
Rapidité des décisions, efficacité des mesures de protection, transparence des autorités : la gestion de l’épidémie de Sras au Vietnam en 2003 est l’exemple de qu’il aurait fallu faire face à la pandémie de Covid-19. Pascale Brudon, qui représentait l’OMS dans le pays à l’époque, nous en fait le récit.
Quand mardi 11 mars 2003, Carlo Urbani est venu me dire au revoir dans mon bureau au premier étage de l’OMS à Hanoï avant de prendre l’avion pour Bangkok, je ne pouvais imaginer que je ne le reverrai plus et qu’il mourrait deux semaines plus tard de la maladie qu’il avait été le premier à identifier et qu’on nommera le syndrome respiratoire aigu sévère (Sras).
Une contamination éclair
Le Sras a été la première maladie grave et hautement transmissible à émerger en ce XXIe siècle. Cette première épidémie à coronavirus est un bon exemple des répercussions économiques, sociales et politiques que peut avoir une nouvelle maladie dans un monde d’échanges multiples et de grande mobilité. Elle posait déjà des questions importantes sur la capacité mondiale de riposte à d’autres menaces de maladies infectieuses, comme celle que nous affrontons aujourd’hui.
Les premiers cas de Sras sont apparus en novembre 2002 en Chine. Le premier rapport officiel faisant état de cette pneumonie atypique est parvenu à l’OMS en février 2003. Puis tout s’est enchaîné très vite. Le 21 février, un médecin chinois de la région de Canton, qui avait été au contact de la maladie en traitant des patients, a contaminé plusieurs personnes au neuvième étage d’un hôtel de Hong Kong. En quelques jours, ces personnes provoquent des flambées de Sras au Vietnam, à Hong Kong et Singapour. En moins de trois semaines, la maladie se répand dans le monde par le biais des transports aériens, pourtant moins denses qu’aujourd’hui.
Dans chaque « point chaud », on assiste à une augmentation rapide du nombre de cas, en particulier chez les professionnels de santé au contact des malades. En moins de trois mois, le total cumulé des cas est supérieur à 8 000, le nombre de morts dépasse 900 et la maladie est diagnostiquée dans plus de 30 pays. La crainte du Sras s’est répandue dans le monde entier plus vite que le virus. Les images de foules masquées, d’hôpitaux interdits aux familles des malades, d’aéroports déserts, diffusées par toutes les télévisions ont généré une grande peur face à cette maladie que toute la technologie du monde n’arrivait pas à identifier, et qui s’attaquait en priorité à ceux là même qui étaient censés nous soigner.
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