Κοινωνική σφαγή στην Ιταλία του Ντράγκι (Goldman Sachs)

L’Italie sous Draghi: l’offensive du capital s’accélère, le massacre social aussi

Par

Alors que l’économie et la politique internationales font face à des turbulences particulières, le capitalisme italien semble avoir trouvé son «homme de la Providence»1. Il s’agit du super banquier Mario Draghi, ex-président de la BCE (Banque centrale européenne), devenu président du Conseil des ministres (premier ministre) il y a six mois, par décision autocratique du président de la République Sergio Mattarella. Cette nomination fait suite à un véritable martellement médiatique et d’obscures manœuvres de palais ; elle a été avalisée à une très grande majorité (respectivement 84% et 82% des élus à la Chambre des députés et au Sénat), par un Parlement ressemblant de plus en plus à une caisse de résonance.

Depuis lors, selon le récit du régime qui s’est imposé, tout se passe bien. Le Covid, effrayant, semble régresser sensiblement. La croissance du Produit intérieur brut (PIB) s’envole euphoriquement au-delà de +5% (après une chute de 8,9% en 2020). De l’Union européenne (UE), considérée soudainement comme une mère et non plus comme une marâtre, tombent des pluies d’euros. La fierté sportive moissonne les médailles olympiques. Et, cerise sur le gâteau, l’Italie revient sur le devant de la scène internationale en lançant, depuis le G202, une initiative sur l’Afghanistan (sera-t-elle reprise ?). Le made in Italy connaît une reprise ; mais, d’une part, on ignore si elle va durer et, d’autre part, elle a déjà des effets désastreux pour une bonne partie des classes laborieuses.

***

Le gouvernement Draghi est le troisième exécutif en trois ans, depuis le début de la XVIIIe législature3. Le premier des trois était un gouvernement Movimento 5 Stelle (M5S) et Lega, polémique envers l’UE et faisant de l’œil au «souverainisme», nommé le Conte I (1er gouvernement dirigé par Giuseppe Conte). Il est suivi, 15 mois plus tard, par le Conte II (2e gouvernement dirigé par Conte), un exécutif M5S et Parti démocratique (PD) qui a amélioré les relations avec l’UE. Le gouvernement actuel a mis un terme à ces oscillations, en affirmant sa doctrine à la fois atlantiste et européaniste, mais cachant les tensions entre ces deux termes. L’équipe de Draghi s’est également attelée à remettre de l’ordre dans la politique sociale, en redonnant davantage de garanties aux instances du grand capital et du système bancaire, remettant ainsi en question les (minimes) concessions que les deux gouvernements précédents ont faites au mécontentement populaire et aux attentes des classes laborieuses victimes de décennies de politiques dites d’«austérité»4.

La grande opportunité que le gouvernement a saisie au vol est la relance de l’économie italienne à partir du PNRR, le Plan national de relance et de résilience, approuvé par le gouvernement Draghi et qui s’arrime au programme NextGeneration 2021-2027 de l’UE, ce dernier étant financé à raison de 807 milliards d’euros au total. C’est presque un tournant historique de la part de l’UE, qui cherche à tenir tête à ses deux principaux concurrents, les Etats-Unis et la Chine. Dans l’avant-propos du PNRR figure une phrase révélatrice: «la destinée de l’Italie n’est pas nécessairement le déclin»5. L’exécutif italien se donne ainsi la tâche d’enrayer le long déclin qui a porté la part de l’économie du pays au marché mondial de 4,2% au milieu des années 1980 à 2,8% aujourd’hui. Le nouvel «homme de la Providence» avait déjà, en 2006, défini les termes de cette «reprise», alors qu’il était gouverneur de la Banque d’Italie. Il expliquait, en effet, que la crise de l’économie italienne était essentiellement due à une faible productivité du travail et à une dépense sociale excessive. Sur cette base il présentait les grandes lignes suivantes pour sortir le pays de cet embourbement:

  • réformes structurelles, pour accroître la productivité du travail et la compétitivité des entreprises;
  • davantage d’internationalisation de l’économie et de la finance;
  • privatisations;
  • privilèges fiscaux pour les entreprises;
  • pas d’augmentations des salaires s’il n’y a pas d’augmentation de la productivité;
  • coupures dans les retraites publiques et développement de la prévoyance privée;
  • davantage de flexibilité (de précarité) dans les rapports de travail;
  • réduction de la dette publique6.

A quelques nuances près, ce sont les lignes de force suivies depuis une quinzaine d’années par les divers gouvernements. Leur mise en pratique n’a pas sorti l’Italie de l’ornière de la stagnation, mais elle a fait passablement régresser les conditions de vie et de travail de millions de salarié·e·s, elle a triplé le nombre de pauvres, elle a forcé à émigrer plus de 1,5 million de chômeurs ou de personnes en sous-emploi.

Et maintenant? Maintenant, l’«impératif absolu» (c’est une formule de Draghi) consiste dans la reprise de l’accumulation des profits. Ce qui signifie la relance de la production, de la productivité et du rendement des entreprises. Après quelque prudence initiale, le gouvernement réel a donné un coup d’accélérateur à cette politique. Par gouvernement réel j’entends son noyau dur, c’est-à-dire le président du Conseil des ministres (Mario Draghi) et les ministres de l’Economie (Daniele Franco), de la Transition écologique (Roberto Cingolani), de l’Innovation technologique et de la Transition digitale (Vittorio Colao), des Infrastructures et des Transports (Enrico Giovannini), du Développement économique (Giancarlo Giorgetti), ainsi que du premier conseiller économique de Draghi (Francesco Giavazzi). Autrement dit des techniciens étrangers au Parlement, qui parlent peu et décident (presque) tout, préférant laisser aux chefs des grands partis politiques de la majorité (PD, M5S, Lega, Forza Italia, etc.) et de l’opposition (Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, alliée du Hongrois Viktor Orban) les discours quotidiens à l’adresse de l’électorat-«souverain» que chaque parti veut capter ou détourner.